Maccarthysme à la française sur Israël ?

Publié le par Milton Dassier

Deux informations assez largement relayées par les médias ont été publiées pendant les derniers jours. Informations relatant des faits liés à des déclarations sur Israël. Il est absolument nécessaire de les mettre en parallèle.

La première est le limogeage rapide, expéditif et médiatisé de Benoit Guigue, ce sous-préfet spécialiste du Proche-Orient qui a publié des tribunes sur le site Oumma.com. Dans son dernier article, il s’en prend aux intellectuels français inconditionnels d’Israël qui craignent que la commission des droits de l’homme de l’ONU ne devienne une sorte de tribunal de salut public de l’état hébreu accusé de graves atteintes aux droits de l’homme, de crimes de guerre et de racisme.
A plusieurs reprises, Benoît Guigue justifie ces accusations selon son point de vue. Il explique

« La peine de mort, enfin, est cruellement appliquée en Iran. Mais les aspects odieux du régime de Téhéran ne le résument pas pour autant, et le régime saoudien n’a rien à lui envier. Surtout pas l’amitié des Etats-Unis, où un président texan a été élu sur sa réputation d’exécuteur intraitable des criminels supposés. Sans parler d’Israël, seul Etat au monde, dont les snipers abattent des fillettes à la sortie des écoles. »

Et :
« Ses admirateurs occidentaux doivent certainement s’extasier sur les prouesses d’une armée capable de tuer aussi aisément des enfants avec des missiles. Ils doivent aussi se confondre d’admiration devant les geôles israéliennes, où grâce à la loi religieuse, on s’interrompt de torturer durant le shabbat»



La deuxième est la sortie du livre d’Avraham Burg, ancien président de la Knesset, « Vaincre Hitler ». L’homme est un auteur de prestige en Israël même s’il critique abondamment son pays.

Par exemple : « Cela ne peut plus fonctionner. Définir l’Etat d’Israël comme un Etat juif est le début de la fin. Un Etat juif, c’est explosif, c’est de la dynamite. »

 Interrogé sur LCI à propos de l’initiative de Nicolas Sarkozy, de faire parrainer un enfant de la Shoah par un enfant de CM2, il a dit en souriant :

« Le président aurait dû téléphoner à Simone Veil avant de faire cette annonce ».

 Plus tard, il reviendra sur le sujet en affirmant que singulariser ainsi la shoah, c’est considérer, comme beaucoup de juifs, que la shoah est le seul génocide et ainsi, que les autres génocides que la France a pourtant reconnu comme tels, ne méritent pas un tel travail sur la mémoire. Le titre de son livre est très provocateur : « Vaincre Hitler » Interrogé à ce sujet, il dit :

 « La Loi du retour est une loi, elle est une image en miroir de Hitler. Je ne veux pas qu’Hitler définisse mon identité. »

 Avraham Burg regrette l’instrumentalisation de la Shoah à des fins nationalistes et rapporte cette anecdote : un lycéen passant le baccalauréat dit : « demain, j’ai shoah au bac ». Il affirme qu’Israël est dans une situation analogue à l’Allemagne prénazie.

 « je vais vous donner quelques éléments qui s’inscrivent dans cette analogie : une grande sensibilité à l’insulte nationale ; un sentiment que le monde nous rejette ; une incompréhension aux pertes dans les guerres. Et, comme résultat, la centralité du militarisme dans notre identité. La place des officiers de réserve dans notre société. Le nombre d’Israéliens armés dans la rue. Où est-ce que cette foule de gens armés va ? Les expressions hurlées dans la rue : "les Arabes dehors". »

 Sur LCI, il finit son interview en parlant des extrémistes :

« les ultraorthodoxes que l’on trouve en grand nombre dans les colonies, il faudrait les effacer de la Terre ! » 

Le sketch de Dieudonné du colon israélien fasciste est finalement pas si « antisémite » que ça ! Et c’est ça qui est intéressant. Dieudonné ne connaissait sûrement pas Avraham Burg au moment de son sketch. Et tous les deux nous disent que si on résume Israël à ses colons extrémistes, on est foutu ! Mais Dieudonné n’était pas un ancien président travailliste de la Knesset… Alors, il fut traqué, diabolisé, brisé puis banni. 

Rendez-moi un service. Si Alain Finkielkraut affirme avec son style inimitable sur France-Culture ou Radio RCJ: - quelque part qu’Avraham Burg a été en quelque sorte..enfin..oui..d’un certain point de vue… il a été..euh.. dieudonnisé on peut dire ça.. mais passons !- vous me prévenez. Merci !

 En fait, si on analyse les choses avec lucidité, que peut-on conclure ?

D’abord, le filtrage qui règne en France sur qui peut parler ou non du sionisme et de la politique d’Israël y compris du côté du peuple et des intellectuels israéliens. Il y a une gauche antisioniste en Israël qui a rarement l’occasion de pouvoir s’exprimer en France. Il y a eu donc une confiscation de l’expression politique à propos d’Israël y compris vis-à-vis des israéliens eux-mêmes.

Ensuite, à force de clichés et d’accusations d’antisémitisme, beaucoup de gens de France ont peur de donner leur sentiment sur Israël. Avec les accusations d’antisémitisme qui ont concerné Dieudonné, Edgar Morin, Pascal Boniface et d’autres encore, Il y a un véritable climat de Maccarthysme à propos de la question israélienne. La droite française et une partie de la gauche française ont « validé » les idées de la droite israélienne comme ne pouvant pas être remises en cause sans voir que tout cela n’est que la face émergée d’un iceberg qui pourrait s’appeler « nouvel ordre total » dans lequel le capitalisme habillé de démocratie et de droits de l’homme cherche à imposer au monde sa domination par la force de ses capitaux et de ses armes.

Publié dans liberté d'expression

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