La Françafrique et Sarkozy

 Les crises politiques risquent de se multiplier à l’avenir en Afrique, à l’exemple de ce qui se passe en Côte d’Ivoire. Un peu comme si une seconde décolonisation, mentale celle-là, se préparait. Les relations franco africaines ont été pourries par ce qu’on appelle la Françafrique, ce système opaque d’influence politique, financière et économique clandestine devenue une véritable pompe à fric permettant le financement d’opérations extérieures, le financement de la vie politique française et l’enrichissement des acteurs de ce film à très très gros budget.

 

Laurent Gbagbo est sans doute vécu par la Françafrique comme quelqu’un de difficile à contrôler sur le plan politique ou pas assez malléable. Un homme qui refuse la dimension militaro-industriel de la Françafrique pour ne garder que le business. Il traite Sarkozy en VRP des grands groupes français, pas en empereur de la Françafrique comme c’était le cas avec les présidents français précédents. Ce qui est sûr, c’est que Laurent Gbagbo a été lâché.

 

Comment Sarkozy s’est glissé dans la Françafrique

 

Sarkozy est le fils spirituel de protagonistes éminents de la Françafrique néogaulliste qu’ils ont contribué à développer après avoir fondé le SAC. Il leur est reconnaissant de l’avoir soutenu dans son ascension jusqu’à la présidence de la république.

Rappelons la grâce présidentielle incroyable de Jean-Charles Marchiani après sa condamnation dans l’Angolagate, une des plus grosses affaires de corruption ayant touché la France.

Rappelons ses liens avec Achille Peretti, l’ancien maire de Neuilly, et Charles Pasqua qui le prit sous son aile au ministère de l’intérieur et l’aida à s’imposer dans le département des Hauts-de-Seine. Ces deux personnages ont été fortement soupçonnés d’être impliqués dans la French Connection. Nicolas Sarkozy épousa la nièce d’Achille Peretti, l’ancien maire de Neuilly.

 

Quand on a conscience de ce qui est en jeu, on comprend très vite pourquoi le poste de Président de la République est aussi convoité. On accède aux milliards d’euros de la Françafrique qui circulent dans les paradis fiscaux en toute opacité.

 

Jean-Charles Marchiani, Charles Pasqua et Etienne Léandri, tous deux impliqués dans le  trafic d’alcool puis de drogue de la French Connection, tous fortement impliqués dans la Françafrique et son système mafieux.

 

D’après François-Xavier de Verschave, ces trois hommes faisaient partie d’un système qui a pour vocation de  favoriser une approche néocolonialiste mafieuse en Afrique à travers une « diplomatie parallèle ».

On y retrouve des proches du général de Gaulle, des anciens du SAC, des agents des services secrets, des militaires et des représentants de grosses entreprises multinationales françaises, des mercenaires, des trafiquants d’armes, des anciens dirigeants du DPS (le service d’ordre du FN), des membres de la franc- maçonnerie notamment la Grande Loge Maçonnique Française.

 

Comment ça marche la Françafrique

 

L’une des spécialités de ces hommes : mettre et maintenir au pouvoir des pétrodictateurs pour pouvoir prendre leur part sur l’argent qui circule dans ces pays : l’achat et la revente des ressources, les investissements, l’argent de la coopération.

Et tout est bon pour y parvenir : du trucage d’élections aux assassinats en passant par le soutien à des rebellions, le bouc-émissaire ethnique et la corruption.

 

 

 

A quoi ça sert ?

 

L’objectif est simple : Au-delà de l’influence diplomatique,  implanter des entreprises françaises en Afrique pour en piller les ressources à très bas prix. Pétrole et uranium sont les premières priorités. Normalement, un état qui accepte qu’une entreprise exporte ses ressources prend un pourcentage de la valeur de la ressource pour son propre fonctionnement.

La Françafrique veut faire en sorte que ce pourcentage soit le plus bas possible.

Par exemple, le Congo de Denis Sassou Nguesso prend 17% de la valeur du pétrole. Les 83% restant sont pour l’entreprise amie.

Sauf qu’en plus Denis Sassou Nguesso ne reverse pas ces 17% dans les caisses de son pays, il en garde une bonne partie pour lui-même et son clan grâce à des sociétés écrans intermédiaires. Ces montages juridiques sont montés par des avocats d’affaires du réseau…

 

F-X de Verschave écrit :

 

« Comment donner une idée de cet enrichissement mutuel entre les commanditaires français et les potentats africains ? Pour cela, il suffit de chiffrer ce qu’a rapporté la rente pétrolière du Gabon en l’espace de quarante ans : peut-être 200 milliards de francs. Or le Gabon est aussi le pays qui a le plus mauvais système de santé en Afrique. On pense bien que ces 200 milliards ne sont pas allés aux Gabonais. Ils ont été partagés entre Omar Bongo, ses proches, et les commanditaires. Même chose pour les fortunes d’Houphouët-Boigny (60 milliards de francs), d’Eyadema, de Moussa Traore, de Mobutu … souvent égales à l’endettement de leurs pays respectifs.

Ce mécanisme d’économie de rente consiste à capter la différence entre les matières premières payées à très bas prix et leur prix de vente. A cela s’ajoute le détournement d’une bonne partie de l’aide publique au développement (au moins la moitié, l’autre servant à des objectifs géopolitiques, ou de "lubrifiant" à l’extraction de la rente : il faut bien faire tourner un minimum les Etats pillés par leurs régimes …). A tout cela, ajoutons encore le fardeau insupportable de la dette : la baisse du cours des matières premières a obligé les potentats à s’endetter à bas taux. »

 

 

Trucage d’élections

 

François-Xavier de Verschave avance le chiffre faramineux de cinquante élections truquées en Afrique avec l’aide de la France entre 1991 et 2003. En même temps que l’état français envoie des urnes transparentes et du matériel de vote pour assurer la bonne marche de la démocratie, les services parallèles envoient du matériel informatique et des techniciens pour centraliser et modifier positivement les résultats en faveur du candidat de la Françafrique. Cela explique d’ailleurs très bien les accusations de fraude à chaque élection.

Le système a échoué par exemple au Sénégal où des citoyens avaient mis en place un système de proclamation des résultats bureau de vote par bureau de vote, grâce à des journalistes munis de téléphone portable en contact direct avec les stations de radio locales. Cela empêcha les trucages au niveau de la centralisation des résultats.

Il souligne la complaisance de la presse française qui fustige Robert Mugabe tout en restant prudente sur ce qui se passe au Congo de Denis Sassou Nguesso (élections truquées et une guerre civile qui fit 10.000 morts !)

 

 

 

Soutien militaire clandestin à des rébellions et des gouvernements

D’après l’ancien président de Elf, Loïck Le Frich-Prigent, la Françafrique, par l’intermédiaire de sa société, a financé en même temps en Angola, les forces gouvernementales et la rébellion lors de la guerre civile.

Pendant la guerre civile à l’est du Congo, on a vu aux côtés de l’armée congolaise, des troupes angolaises, des commandos français déguisés en mercenaires et d’anciens militaires hutus du Rwanda.

Même les guerres civiles ont leur utilité. Elles peuvent servir à virer un gouvernement en place pas assez coopératif ou bien entretenir une instabilité qui facilite des négociations puisque le dirigeant africain en place n’est pas en position de force.

 

 

Bouc-émissaire ethnique

C’est la façon dont les dictateurs de la Françafrique se dédouanent de leur incurie en accusant une ethnie du pays de ne pas être patriote et d’être à l’origine des maux du pays. On a vu les résultats au Rwanda, en Côte d’Ivoire, mais aussi en Afrique non francophone, au Liberia, en Sierra Leone…

 

 

Assassinats

 

La liste est longue et l’opacité de rigueur. Chaque fois qu’un opposant à la Françafrique a accédé au pouvoir, il a été éliminé parfois physiquement. Thomas Sankara fut de ceux-là. Mais, il y a aussi des français qui sont disparus dans des conditions mystérieuses. On parle ainsi du juge Borel à Djibouti ou de la disparition étrange de Michel Baroin, père de François Baroin, mort dans un accident d’avion avec neuf de ses collaborateurs après avoir rendu visite à Denis Sassou Nguesso au Congo.

 

Sarkozy et la Françafrique d’aujourd’hui

 

Avec la surveillance d’associations comme Survie, l’association de feu François-Xavier de Verschave, avec le partage des informations, les scandales qui ont secoué ce petit monde l’oblige à encore plus d’opacité et à un renouvellement de son personnel. C’est ce qu’a compris Nicolas Sarkozy qui laisse l’administration de la Françafrique à des hommes de confiance, adoubés par les piliers africains du système.

 

Sans doute, Nicolas Sarkozy faisait-il allusion avec le cynisme dont il est coutumier, à cette Afrique corrompue qui joue contre elle-même, quand il a dit en 2007, à Dakar, qu’elle n’était pas encore entrée dans l’histoire.

 

A ce moment-là, il vient d’être élu et n'est pas sûr les réseaux en lice sous Chirac se rangeront sous sa bannière.

A ce moment-là, il se méfie de l’Afrique et fait savoir qu’en dehors de la Françafrique, elle ne l’intéresse pas.

 

Le lendemain, après cette déclaration qui choquera pas mal de monde, Sarkozy se rendra au Gabon pour rencontrer Omar Bongo… Quand celui-ci mourut, des élections truquées placèrent son fils, Ali, au pouvoir et la France ne tergiversa pas pour reconnaître le fils du dictateur.

 

Tout récemment, devant des élus UMP,  Nicolas Sarkozy a parlé de dolce vita après sa présidence…

 

Cet article s'appuie sur des documents publiés sur le net ou dans l'édtion papier, notamment les ouvrages de François-Xavier de Verschave dont celui-ci téléchargeable ici.

 

 

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