Les Antilles en ébullition : Une insurrection pour la dignité!

Publié le par Milton Dassier

En Guadeloupe comme en Martinique, l'intransigeance de l'état et des gros patrons soutenus par lui, risque de tout faire dégénérer.

N'oublions pas que certains d'entre eux ont leur relais à Paris : le MEDEF, les hyperpatrons des grands groupes français comme Carrefour Auchan et leur lobbies, l'UMP, les conseillers de l'Elysée.


Ils savent les uns et les autres que la solution, leur salut résident dans la façon dont le mouvement peut s'essouffler. Pour cela, il faut décrédibiliser les collectifs par tous les moyens : en divisant, en affamant, en criminalisant.

L'état peut mettre ainsi en jeu son arsenal judiciaire et policier. L'état montre ses muscles par gendarmes interposés. Comme ils aimeraient que des jeunes se mettent à commettre des actes de délinquance, des pillages, des braquages, du vandalisme. Après, ce serait tellement commode de trouver un syndicaliste ou deux dans une rafle de délinquants et de médiatiser l'affaire au niveau national !


Des gens spécialistes des comportements sociaux prodiguent leurs conseils à ces ministres, à ces décideurs, à ces managers. Ils savent jusqu'où l'état et les gros patrons peuvent aller. Ils savent qu'un point de rupture existe. Le point où la violence va jouer de plus en plus. Et la violence fait peur, elle met dans la tête des petites gens des drames plus durs encore, elle ravive le sentiment de menaces sur sa propre vie.

Comme dans une prise d'otages. Vous savez comment ça se passe. On négocie en jouant sur le temps pour affaiblir les braqueurs avant de donner l'assaut. Mais pour cela, il faut faire naître ce sentiment dans la tête des gens, faire naïtre un doute : des jeunes saccagent des magasins? Sont-ils manipulés par les collectifs? Juste poser la question pour qu'elle entre dans les têtes..

Le talent de ces apprentis sorciers sera de laisser croire qu'elle est le fait de gens qui auraient des desseins politiques et qui à leur tour, profiteraient aux aussi de la misère de la population. Rappelez-vous comment on tente de criminaliser en France ce qu'on appelle "l'ultra-gauche".

 

Et si les collectifs faisaient partie de cette ultra-gauche? Mais les services de comunication de Michèle Alliiot-Marie n'ont pas osé..Pas encore !


Pour l'instant, tant que la population fait grève, manifeste, participe aux blocages, fait bloc, cette stratégie ne marche pas mais si la résignation gagne les esprits, tout pourrait basculer.

L'état et les gros patrons jouent avec les nerfs de la population. Leur but : tenir le plus longtemps possible et retourner la pression d'un peuple exaspéré contre les collectifs et leur faire porter la responsabilité d'un échec.


Pour cela, du côté des gros patrons et de l'état, on tergiverse, on chipote puis on dit son accord mais sans signer puis on se dédie, on se renie et on négocie sur le sens de chaque mot. On arrive en retard, on prend son temps puis on revient en lâchant un peu de lest.

C'est ce qui se passe en Martinique par exemple avec les gros patrons, c'est ce qui s'est passé en Guadeloupe avec Yves Jégo.

Que conclure alors d'un tel comportement marqué par la cupidité et l'incivisme?

Ces gros patrons doivent avoir une trésorerie très importante pour pouvoir se passer de chiffre d'affaire depuis 2 semaines..


Et ils n'ont même pas encore menacé de mettre leurs employés non grévistes en chômage technique ou de le faire à l'issue du mouvement.

Ce qui veut dire qu'ils ont des moyens financiers colossaux ou des lignes de crédit quasi illimitées dans les banques.

Ce qui veut dire qu'ils sont déjà en train d'imaginer comment ils répercuteront sur les prix le manque à gagner de la grève et ne sont prêts qu'à des gestes commerciaux déguisés en acte civiques.


Un mois que ça dure en Guadeloupe. Un mois de douleurs qui s'ajoutent aux souffrances accumulées depuis des années, des décennies. Un état indifférent qui affiche une neutralité bienveillante dans une sorte d'angélisme à la Ponce Pilate mais qui envoie des messages pour le moins étranges. Il s'affirme d'accord sur le diagnostic de décomposition sociale aux Antilles et dans les DOM mais refuse de reconnaître sa responsabilité. Il se dit aux côtés des populations mais les menace de sa justice et de sa police tout en discutant à Paris avec ceux qui ont profité de ses errances.


La démocratie n'existe plus d'une certaine façon. Si on faisait un référendum en Guadeloupe et en Martinique, les revendications recueilleraient une large majorité. C'est une évidence. La population lance un message de détresse et tout ce qu'on trouve à lui dire, c'est qu'il s'agit d'une affaire entre salariés et patrons, entre consommateurs et gros commerçants que l'état n'a rien à y faire à part mettre en place les conditions du dialogue. L'état joue-t-il la position du missionnaire ;-) en disant: "Allez dans la paix du fric!"


Pour l'état, les populations antillaises ne sont donc pas composées de citoyens mais de travailleurs et de consommateurs. Une façon de confirmer la vision "d'assistés qui ont bien de la chance d'être dans le giron français!" Bref, des français de seconde zone, des boulets pour la communauté française. On veut les réduire à leurs fonctions sociologiques : consommateurs, travailleurs, contribuables mais citoyens, non! D'autant que nous ne sommes pas à l'orée d'une période d'élections nationales.


Si l'état considérait les antillais, les guyanais et les réunionnais comme des citoyens à part entière, l'état utiliserait les possibilités qu'offre la constitution et permet que des mesures spécifiques soient prises en urgence.


Il faut comprendre qu'actuellement en Guadeloupe et en Martinique, la vie est aussi difficile qu'après la dévastation par une tempête tropicale . Sauf que cette fois, la tempête est sociale. Les collectifs ont  mis l'ensemble des îles dans une situation ponctuelle qui est, en fait, ce que vivent les populations les plus pauvres au quotidien toute l'année! Il y a une vertu pédagogique dans cela, une pédagogie par l'expérience vécue.


La prise de conscience de la population de cette pauvreté est totale, y compris beaucoup chez les gens des classes supérieures. Aujourd'hui, avec cette paralysie, nous, les citoyens de ces pays, nous  sommes tous des précaires. Aujourd'hui, tout le monde vit ce que les plus démunis vivent tous les jours: difficultés à se ravitailler, à circuler, à accéder aux services de l'état et des collectivités locales, impossibilité de travailler, mépris de pas mal de concitoyens de métropole, propos discriminatoires.


Et que se passe-t-il? A l'individualisme de quelques-uns répond une grande solidarité. Les queues dans les supérettes et stations-services? Oui, l'individualisme est là à cause de la peur du lendemain. La délinquance? Oui, comme dans toute crise!


Mais au moins dans ces queues, les gens se parlent, s'informent, se donnent des tuyaux, des conseils, proposent de l'aide. Qu'on soit riche, pauvre, salarié, artisan, chômeur, RMIste, blanc, noir, métis, indiens, chinois, syrien, catholique, évangéliste, juif, athée..

Tous dans le même bourbier!


Tout est là, tout se résume en un mot, solidarité.

Cette solidarité qui rend digne, qui permet de partager non pas des richesses mais la pauvreté et ceci, grâce aux liens qui s'établissent enre ceux qui pataugent dans la boue. Pas d'appel à la violence, pas d'appel à renverser l'état! Oui, l'indépendance des esprits est au centre de ces mouvements car il s'agit bien d'une insurrection dont les références sont les combats de Gandhi, de Martin Luther King et des Neg Mawon.


Une insurrection pour la dignité!

Publié dans anticolonialisme

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