L’identité nationale à s’en taper le front
Pendant ces quelques jours, je me suis intéressé au bégaiement profitant de la journée internationale qui lui était consacrée le 22 octobre.
Et puis, j’ai assisté à l’annonce d’Eric Besson qui souhaite un débat sur l’identité nationale au plus tôt.
Une chose en passant, cette opération de com’, car il s’agit bien de ça, a été voulue au plus haut niveau de l’état et préparée pour « divertir » l’opinion. Des journaux (Le Figaro, Le Point) ont été contactés pour servir de relais médiatique, un colloque est d’ores et déjà prévu bientôt avec pour président, le président de la république.
Certains problèmes évoquent une communication qui s’étouffe, qui bégaye dans ses contradictions.
L’identité nationale en est un justement.
D’après ce que j’en ai lu, le bégaiement est un trouble de la communication qui affecte des personnes par une sorte de conditionnement qui n’en finit pas. Plus la personne bégaie, plus elle risque de rester longtemps avec ce fardeau de plus en plus lourd à porter.
Parmi les facteurs qui aggravent le bégaiement, on trouve des conditions de communication qu’on pourrait qualifier de « toxiques ».
La parole de la personne est mal accueillie par ses interlocuteurs. Bref, on n’aime pas quand elle parle parce qu’on pense avoir mieux à faire, parce qu’on sait à l’avance qu’elle ne dira rien d’intéressant, on se sent agacé de sa parole, on l’écoute sans vraiment l’écouter et on parle à sa place. La personne voit un visage marqué par un agacement plus ou moins masqué. Parfois, de véritables maladresses sont commises : « Tu vois le mal que je me donne pour t’écouter. »
Tout ça démarre dans l’enfance en général, l’enfant construit son bégaiement dans une famille où sa parole d’enfant n’a pas vraiment de place. Sa mère est pressée, son père pense à autre chose en l’écoutant et ils commettent des maladresses qui, en se répétant sur des mois, des années, entraînent que, pour l’enfant, prendre la parole devient une épreuve, une corvée. L’enfant a l’impression d’être jugé négativement dés qu’il ouvre la bouche, se crispe par peur d’être mal compris et mal vu avant de bégayer.
Cela n’empêche pas que ces parents aiment leur enfant. Seulement, ils lui montrent tout le contraire au fond, quand ils présentent leur visage agacé en l’écoutant de façon distraite.
Quand Sarkozy et l’UMP parlent d’identité nationale, ils parlent de diversité pour la souhaiter tout en la remettant en cause. On la souhaite et on la regrette en même temps.
Mais n’est-ce pas le fond du problème ? Les dirigeants français ont souhaité une immigration de masse pour travailler dans les usines françaises. Puis, avec les crises successives, certains ont regretté la présence de ces immigrés devenus résidents et citoyens, ce qui a suscité la montée du mépris.
Et par tout un jeu de paradoxes, ces mêmes dirigeants maintiennent le mépris à feu doux dans la population tout en le regrettant au nom des valeurs républicaines.
Le résultat, au bout de quelques années, est une communication qui bute sur des malentendus, tousse sur des non dits, éructe des clichés de dévalorisation, grimace ses frustrations et ses sidérations. Ici désormais, l’identité nationale se bégaie au quotidien. Un bègue, parait-il, ne bégaie pas en chantant… même La Marseillaise.
Finalement, qu’est-ce que l’identité nationale ? Juste le rassemblement d’hommes et de femmes autour d’une nationalité, d’une langue et de quelques idées simples : la justice, la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité. Même l’histoire et la culture apparaissent surannées. Si on se réfère à ce qui se passe chez un enfant, la construction de l’identité de sa personne passe par l’image qu’on perçoit de sa propre existence et ce qu’on lui dit de lui.
Mais Max Gallo nous prépare déjà son cours d’histoire de France avec tremolos dans la voix, le visage grave et inspiré. On va ressortir des placards poussiéreux Napoléon et Clémenceau, Ernest Renan et Charles Péguy ; Anatole France et Victor Hugo. Dans l’euphorie et l’enthousiasme de la lecture des belles lettres sur le cher pays, on taira que Victor Hugo avait choisi de quitter une France qu’il n’aimait plus pour l’exil à Bruxelles puis à Guernesey.
On oubliera, qu’à partir du moment où l’on définit ce qu’est être français, on prend le risque d’exclure. Et l’on oubliera aussi que les quatre derniers prix Nobel français de littérature venaient quand même un peu de « l’étranger » : Albert Camus né en Algérie, Saint-John-Perse né en Guadeloupe, Claude Simon né à Madagascar, Jean-Marie Gustave Le Clézio, franco-mauricien.
Quid des français d’outre-mer ? Quid des français de l’étranger ? Quid des français binationaux ? Quid des français très imprégnés de la culture de leur région ou du pays de leurs ancêtres?
Pour ne pas entendre certaines personnes tout en proclamant son désir de les écouter, on aura pris le soin de répertorier certains mots qui « remettent à leur place » ceux qui se montrent trop euh…impertinents !
Parmi ces mots, il y a primaire, archaïque, délinquance, déviance, inculture, échec, manque, motivation, jeunesse (au sens d’immaturité), communautarisme, victimisation, islamisme, incivilité, incivisme, sans repères, sans respect.
Le consensus sera impossible forcément. En gros, on va laisser entendre qu’avoir une carte d’identité française n’est pas avoir une identité française. On va nous refaire le coup des droits et des devoirs de chacun sans parler des devoirs de la communauté nationale envers les plus démunis, les moins chanceux, les moins bien nés, les derniers arrivés. L'identité française devra se mériter comme la légion d'honneur!
Et comme, le débat ne peut mener qu’aux identités multiples, j’en conclus donc, que ceux qui lancent ce débat veulent faire émerger une concurrence des identités et laisser croire que la France n’est plus La France, que les français sont en danger, qu’ils vont disparaître. Diviser pour mieux régner, vous vous souvenez ?
Qu’on ne s’étonne pas alors que le mépris ajouté au silence de celui qu’on ne veut pas entendre, ultime violence sociale, ne débouche pas sur la violence aveugle de ceux qui n’ont rien à perdre puisqu’ils n’ont rien !