Les enjeux de la tournée africaine de Sarkozy

Publié le par Milton Dassier

On le sait depuis longtemps, Sarkozy a du mal avec les africains. Sans doute une logique de relations politiques mais aussi personnelles qui ne lui convient guère. Lui, l'homme pressé, voit la gouvernance de la France comme le management d'une entreprise. Il conçoit mal que la qualité d'une relation avec les pays d'Afrique aujourd'hui ne saurait être différente de celle d'un suzerain avec ses vassaux ou de celle du PDG de la maison-mère avec les directeurs généraux de ses filiales. Alors que ce qui serait souhaitable, c'est une construction pas-à-pas basée sur la confiance et le dialogue. Que veut Sarkozy exactement? 

L'Afrique est très convoitée et le pré carré françafricain a été très mis à mal ces dernières années : guerre civile ivoirienne, crise du Darfour, rebellions au Tchad, dénonciations de la politique française par pas mal d'africains influents et même en France. On soulignera les critiques plus voilées d'autres pays comme la Grande-Bretagne et les USA.

La Chine en Afrique

Fait nouveau, la Chine a fait une entrée très remarquée en proposant des partenariats économiques très allèchants qui vont jusqu'à la formation de cadres, d'ingénieurs et de techniciens des pays d'Afrique en Chine même. Ainsi, la Chine se prépare-t-elle des lendemains qui chantent car, une fois revenus au pays, ces cadres, ces ingénieurs et ces techniciens, devenus décideurs influents, opteront plus facilement pour une coopération renforcée avec la Chine à travers des entreprises rentables. Si la Chine persiste et si les pays africains s'y retrouvent, on devrait voir d'ici quelques temps, l'émergence de grosses entreprises sino-africaines puis africaines à part entière influer sur les marchés mondiaux à la manière de ce qui se passe en Inde ou au Brésil depuis quelques années. Tout ça, Sarkozy le sait et la France ne peut pas lutter face à la Chine Alors, il est venu pour sauver les meubles dans une tournée assez brêve et adresser un certain nombre de signaux.

En s'invitant au Sénégal et en évitant soigneusement Gorée et les anciens combattants sénagalais, il a montré que sa politique vis-à-vis des pays africains proches de la France ne sera en aucune façon basée sur les sentiments ou l'éthique encore moins sur la compassion.

Premier message

Pas d'obligation morale d'accueillir en France ou de favoriser les fils et petits-fils de ceux qui contribuèrent à libérer le sol français du joug nazi sauf s'ils représentent un intérêt économique.

Second message

Pas d'aide financière au développement "à perte" avec une invitation à se débrouiller seuls et donc " se retrousser les manches " avec le secteur privé français et européen qui investit sur place.

Troisième message

Les intérêts de la France doivent être préservés coûte que coûte donc pas question que se produise ailleurs une crise à "l'ivoirienne" qui a vu nombre de chefs d'entreprises et de coopérants français quitter le pays dans la panique ce qui a eu pour conséquence le déploiement d'une force militaire. La stabilité politique est donc plus que recommandée. Cela signifie que le soutien aux dictateurs se poursuivra.

Quatrième message

Il est destiné aux français, électeurs de Sarkozy, qui veulent préserver l'image d'Epinal de la France. Cette France belle et généreuse, qui a colonisé pour civiliser ces paysans incultes tout juste bons à "répéter les mêmes gestes chaque matin dans un éternel recommencement" (sic). Cette France qui aurait donc plutôt bien agi si on en croit Sarkozy, même si des fautes et des crimes ont été commis. Le retour du rôle positif de la colonisation transformé pour l'occasion en rôle globalement positif.

Enfin, en se rendant au Gabon, il a voulu honorer Omar Bongo comme meilleur élève des relations franco-africaines ou plus simplement directeur-général de la filiale la plus rentable et la mieux gérée.  Là aussi, le signal est fort : Faire comme Bongo. Une dictature discrète qui favorise les multinationales françaises tout en n'affamant pas trop son peuple.

Rupture dans la continuité

Oui, le ton change. Cette fameuse rupture dont le président se gargarise, c'est celle-là. Encore plus d'arrogance, encore plus de cynisme que ce qu'on avait pu imaginer. Rien à voir avec la chaleur de Chirac ou la sérénité ouverte de Miterrand. Par contre, le fond reste le même et avec sa référence à la politique américaine, les peuples d'Afrique peuvent s'attendre à encore plus de déconvenues.

 

Publié dans géopolitique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article